On aurait inventé l'agriculture pour boire de la bière !
D’où est venu ce choix épuisant de l’agriculture, alors qu’il était si facile de continuer à chasser et cueillir ce qu’une terre généreuse mettait à disposition ? Car les études le montrent toutes, on vivait plus longtemps et en bien meilleure santé en chassant qu’en cultivant, et en plus on disposait de beaucoup plus de temps libre pour vaquer à ses loisirs.
On a longtemps pensé que le besoin de fabriquer du pain pour nourrir une population grandissante était à l’origine de cette révolution majeure intervenue il y a environ 10000 ans. Le plus vieux pain retrouvé – une galette noircie certainement jetée car trop cuite – a été retrouvée en Jordanie. Elle date d’environ 14000 ans.
Mais on a également retrouvé de l’orge malté et fermenté – bref de la bière – ainsi qu’un porridge alcoolisé en Israël, datant à peu près de la même période. Et il semble attesté que les liquides fermentés et alcooliques aient toujours joué un rôle essentiel dans les festivités de toutes les cultures du monde.
C’est le cas dans le plus ancien temple connu de l’histoire de l’humanité, que l’on a retrouvé à Göbekli Tepe en Turquie. Cet ensemble monumental date de 12000 ans et il est l’œuvre d’une ou plusieurs tribus de chasseur-cueilleurs qui se réunissaient là chaque année pour fêter ensemble des rites sur lesquels nous ne savons rien, en consommant des quantités non négligeables de bière. Et pour ce faire, la confection de la boisson rituelle ne pouvait résulter de l’utilisation de surplus agricoles – le blé n’était pas encore cultivé !
Ce site – comme d’autres encore à découvrir sans doute - semble avoir joué un rôle majeur dans la transition d'une chasse et cueillette chamaniste vers l’agriculture et les religions fortement structurées des époques suivantes, car l’organisation sociale nécessaire à la création des temples de Göbekli Tepe a dû favoriser une exploitation organisée et rituelle du blé et de « potagers sacrés » où les sélections et techniques de plantations s’améliorèrent, permettant l’émergence d’une agriculture nourricière.
Ce serait donc la spiritualité - et le besoin de sanctifier les liturgies par la consommation de la bière - qui aurait développé chez l’Homme la capacité, tant mentale que concrète, d’inventer l’agriculture. Rien n’est encore tranché, mais l’idée semble plus que probable.