Le mystère La Pérouse, James Cook français

L'histoire rapporte que Louis XVI, quelques minutes avant son exécution, aurait demandé des nouvelles de l'expédition perdue du célèbre navigateur La Pérouse. Qui était cet homme, dont le destin hors norme et tragique pouvait avoir tenu en haleine le pays tout entier au moment de la Révolution Française ?

Son parcours :

Jean-François de Galaup, comte de La Pérouse, est né au château de Gô, près d’Albi le 23 août 1741. Très tôt il se passionne pour la mer et devient à l'âge de 15 ans garde marine à Brest. Il devient officier de Marine en 1756.

Commence alors l'extraordinaire aventure de cet Albigeois qui, dès l'âge de 22 ans s'engage dans le conflit contre l'Angleterre, lors la guerre de 7 ans, à propos du Canada (1757-1763). Il est blessé à cette occasion puis fait prisonnier par les Anglais. Il est promu enseigne de vaisseau en 1764. Son expérience de l'Outremer se confirme dans les années 1772-1778 alors qu'il sert d'abord aux Antilles, où il participe à la prise de la Grenade et au violent combat contre l’escadre de John Byron, puis dans l'océan Indien aux commandes de la frégate l’Amazone dont il a reçu le commandement. Il se signale en sauvant le comptoir de Mahé assiégé par un prince local.

Promu lieutenant de vaisseau, il reçoit la croix de Saint-Louis en 1778 et obtient le commandement de la frégate L'Astrée. Patrouillant dans les parages de l’île du Cap-Breton, sur les côtes de la Nouvelle-Angleterre, avec L’Astrée et la célèbre Hermione  (commandée par Latouche-Tréville et à bord de laquelle Lafayette avait gagné les Amériques). La Pérouse livre, le 21 juillet 1781, un brillant combat à un convoi britannique composé d'une frégate et de cinq petits bâtiments. Il s’empare de la frégate HMS Ariel et d'un bâtiment, les autres parvenant à s’enfuir. Il escorte ensuite un convoi vers les Antilles (décembre 1781) et participe à l’attaque de Saint-Christophe (février 1782), et aux combats des 9 et 12 avril au large des îles des Saintes contre l’escadre de l’amiral Rodney.

Le 14 mai, il prend le commandement du vaisseau Le Sceptre et appareille avec les frégates L'Astrée et L'Engageante pour la baie d'Hudson. Il emmène avec lui 290 hommes et parvient, à la mi-juillet, dans le détroit d’Hudson et, le 8 août, en vue de l’entrée de la rivière Churchill (Manitoba). Le lendemain, il débarque ses troupes et somme l’agent principal Samuel Hearne de se rendre, ce que ce dernier fait aussitôt. Le Fort Prince of Wales est détruit partiellement, les cartes et plans de la Marine britannique, les stocks de vivres et de fourrures sont saisis. Le 24 août, il attaque avec succès York Factory (Manitoba). La Pérouse repart aussitôt après avoir exécuté fidèlement sa mission, sans perdre un homme et tout en traitant ses prisonniers avec la plus grande humanité. Il permet notamment à Samuel Hearne de retourner en Angleterre en échange de la libération de prisonniers français et de la publication de la cartographie britannique qu'il lui a redonnée. Cette expédition lui valut une pension de 800 livres.

Sa grande expédition :

Depuis des décennies déjà, la France et l’Angleterre se disputent le monde à coups d’expéditions maritimes. Le plus célèbre de ces explorateurs est le britannique James Cook, le premier à avoir cartographié les îles du Pacifique. Le malheureux a terminé dévoré par les cannibales d’Hawaï, en 1778.

En France, le roi Louis XVI ne voulait pas être en reste. Il monta une expédition concurrente, qui appareilla en 1785, sous le commandement de Lapérouse, l’un des héros de la guerre contre les Anglais. L’expédition comptait deux navires, la Boussole et l’Astrolabe, et emportait les meilleurs savants français de l’époque. Les objectifs en étaient multiples, géographiques, scientifiques, économiques, mais aussi politiques avec l'établissement ultérieur de bases françaises au niveau de l'Alaska, des Philippines et de la presqu'île du Kamchatka.

Les navires la Boussole et l’Astrolabe partent de Brest le 1er août 1785 pour un périple estimé à trois ans. Les résultats de l'expédition seront communiqués à chaque escale.
Lapérouse commença par traverser l’Atlantique, passa au large du Brésil, franchit le Cap Horn et longea les côtes du Chili, débarqua sur les îles de Pâques et d’Hawaï, rejoignit l’Alaska, la Chine, les Philippines. Après deux ans et demi d’une incroyable odyssée, Lapérouse fit escale en Australie au début de l’année 1788, à Botany Bay, pas très loin de Sydney, puis il mit le cap en direction de la Nouvelle Calédonie qu’il contourne et, à partir de là, on n’entendit plus jamais parler de lui. Après avoir parcouru cent cinquante mille kilomètres, l’expédition s’était comme volatilisée.

C’est ainsi qu’était né le mystère Lapérouse, une énigme légendaire qui fera fantasmer des générations de navigateurs pendant un siècle et demi. En 1791, une expédition de secours est commandée par l'amiral d'Entrecasteaux, elle explore sans succès la zone indiquée par La Pérouse à sa dernière escale en Australie, et notamment le voisinage des Iles Salomon (Santa Cruz) où il est aujourd'hui certain qu'il y avait encore des survivants du naufrage à cette époque.

C'est 30 ans plus tard qu'un irlandais, le capitaine Dillon naviguant dans cette zone achète des objets français provenant d'une île voisine, Vanikoro. La nouvelle s'ébruite et, rentré à Calcutta on lui confie un navire pour des recherches . Il précède sur les lieux Dumont d'Urville envoyé par la France, mais coopère avec lui. Il y a alors identification formelle des épaves de l'expédition La Pérouse et recueil d'indications fournies par les indigènes sur le sauvetage d'une partie des rescapés et le départ d'une autre sur une embarcation de fortune, dont on est sans nouvelles.

En 1964, les épaves des navires ont finalement officiellement identifiées, dans les récifs des îles de Vanikoro, situées dans l’archipel des Salomon, à un millier de kilomètres de la Nouvelle Calédonie. Les premières recherches ont permis de comprendre que les deux vaisseaux de l’expédition se sont fracassés contre les brisants et qu’un certain nombre de survivants ont ensuite survécu à terre pendant une trentaine d’années....

Dès les premières campagnes de fouilles sous-marines, des milliers de pièces ¬ vaisselle, verroterie, couverts en argent, montre, sculptures ¬ ont été remontées du fond de l'océan.


A terre, lors de la cinquième campagne en 1999, les recherches ont pris un tour inespéré avec la découverte d'un " camp des Français ". On a retrouvé des pierres à fusil, des balles de mousquets écrasées, des clous, des boutons d'uniformes, un pied du roi -instrument de mesure- et un canon de méridienne, sur quelques dizaines de mètres carrés. C’est là que vécurent au moins une partie des survivants et sans doute qu’ils moururent. Certains épousèrent-ils des autochtones et eurent-ils des descendants ? Nous ne le savons pas, mais c’est possible. Aujourd’hui encore, les locaux appellent le haricot local « cassoulet », survivance du passage involontaire des survivants de l’expédition de La Pérouse…

Même à présent que le mystère La Pérouse est résolu, son expédition demeure, avec celle de James Cook, l’un des plus célèbres de tous les temps. Et, sans conteste, La Pérouse représente le type le plus accompli du marin du XVIIIe siècle. Excellent navigateur, brillant combattant, chef aux qualités humaines indéniables et enfin un esprit ouvert à toutes les sciences de son temps. Aussi habile qu’infatigable, il est l’égale du britannique James Cook. Et le plus grand navigateur français de ce siècle…