Pourquoi la taille des animaux a-t-elle diminuée ?

Pourquoi n’existe-t-il plus aujourd'hui d’espèces animales aussi grandes que les dinosaures ? Et pourquoi la taille de nombreux mammifères s’est également réduite au fil du temps ?

Le brontosaure, qui demeure le dinosaure le plus impressionnant avec son poids estimé à 50 tonnes et ses 30 mètres de long frappe l’imagination par ses dimensions hors norme et son cou démesuré. Sa taille lui permet de rendre accessible une nourriture que les autres herbivores ne peuvent atteindre. D’où une plus grande disponibilité en énergie et une meilleure croissance.

Par ailleurs, il est plus facile de grandir en ayant un régime à base de feuilles que de viande. En effet, courir, être leste et rapide pour attraper sa proie nécessite de ne pas dépasser une certaine taille. En général, et y compris de nos jours, un herbivore peut être jusqu’à dix fois plus gros qu’un carnivore. L’éléphant en est un exemple. Sans oublier qu’un carnivore aura besoin de brûler plus d’énergie pour se nourrir qu’un herbivore qui n’a qu’à paisiblement attraper les végétaux à sa portée. Conséquence : tous les animaux géants sont herbivores, hier comme aujourd’hui, même si ceux d’hier étaient plus nettement plus impressionnants.

Et même encore aujourd’hui, l’une des caractéristiques des reptiles est de ne pas avoir de taille limite. Contrairement à un mammifère, il continue de grandir toute son existence durant. Plus il vit vieux, plus il est grand, qu’il soit lézard ou crocodile. Et plus il mangera et plus il grandira. Et plus il grandira, moins on tentera de lui chercher des noises. Et donc moins il aura de prédateurs, et plus il vivra vieux... C’est une boucle qui se met en place, favorisant les grandes tailles.

Les animaux évoluent ainsi, millénaires après millénaires, par le jeu de la sélection naturelle. Mais les animaux actuels n'ont eu “que” 65 millions d'années pour évoluer après la précédente extinction de masse fatale aux dinosaures. Les dinosaures pour leur part avaient eu deux fois et demi plus de temps pour évoluer et avaient donc tout naturellement atteint des tailles bien plus imposantes (leur évolution a commencé avec l'extinction du Trias des mammifères reptiliens il y a 225 millions d'années). La plus ancienne espèce animale vivant encore sur Terre, la méduse, a survécu à tout, depuis près de… 650 millions d'années ! Les plus grands individus peuvent donc atteindre la taille incroyable de 40 mètres de longueur… La baleine bleue pour sa part, avec ses 30 m de long, est et reste le plus massif animal qui ait jamais existé.

Une étude sur la vitesse de changement de taille des mammifères depuis la crise du Crétacé-Tertiaire a permis d'établir plusieurs schémas clairs. Tout d'abord, la croissance est plus rapide dans le milieu aquatique que sur terre (sans doute parce que les contraintes mécaniques liées au milieu aquatique sont moins fortes). Par exemple, chez les baleines, il faut 1 million de générations afin de grandir d'un facteur 100 et 5 millions pour un facteur 5.000. En revanche, pour un organisme terrestre, il faut globalement deux fois plus de générations pour le même taux de croissance.

Par ailleurs, la tendance au nanisme des espèces est beaucoup plus rapide que la tendance au gigantisme. L’apparition d’une espèce de mammouths nains (300 kg contre 8 tonnes pour les plus gros pachydermes) lorsque le milieu et le climat l’ont imposé n’a nécessité que 100.000 générations de décroissance. La raison principale semble être que chaque organisme passe au cours de son développement par un stade juvénile de taille moindre que celle de l'adulte. Et il est plus facile d'un point de vue évolutif que ce développement soit interrompu et que la reproduction soit plus précoce plutôt que l'inverse, ce qui mène in fine assez facilement à une réduction globale des dimensions de l'espèce. 

Et, ne nous y trompons-pas : il n’y a pas que des avantages à être grand et massif. C’est parfait dans un environnement riche en nourriture, mais cela devient un problème majeurs en temps de famine, parce qu’un animal énorme a besoin de manger énormément. D’ailleurs, on estime que les brontosaures passaient leurs journées à ne faire que ça. Et c’est bien ce qui a causé leur perte il y a 65 millions d’années, quand une météorite s’est abattue dans la péninsule du Yucatan au Mexique, recouvrant notre planète d’un voile noir et faisant fondre d’un coup le stock de nourriture disponible.  Vu la quantité de nourriture que mange ne serait-ce qu’un éléphant de 6 tonnes, imaginez le nombre d’hectares qu’il fallait pour nourrir un seul brachiosaure cinq fois plus lourd. Ils ont dû disparaître dans un claquement de doigts au regards des échelles géologiques. Avantage a alors été donné aux espèces qui avaient besoin de peu pour survivre, les petits modèles. Et notamment les petits mammifères dont notre lignée à émergée des millions d’années plus tard.

En dehors des catastrophes planétaires imprévues, les réchauffements climatiques relevés dans l’Histoire ont également toujours été accompagnés d’un rapetissement des plantes et des animaux. Augmenter d'un degré la température de l'air réduit de 3 à 17% la taille des pousses et des fruits. Par ricochet, il en va de même de la taille des animaux qui s’en nourrissent. Il y a 56 millions d'année, la température de la Terre a augmenté en moyenne de 6°C. Ce «Maximum thermique du passage Paléocène-Eocène» a duré 20.000 ans, et s'est traduit par une baisse drastique de la taille de certaines espèces. Araignées, guêpes, fourmis ou scarabées ont ainsi perdu de 50 à 75% de leur taille habituelle, tandis que les mammifères comme les écureuils et les rats sont devenus 40% plus petits. Idem, le réchauffement extraordinairement rapide que connaît actuellement notre planète montre la même tendance spectaculaire. Sont particulièrement concernés les ours polaires, les cerfs, certaines espèces de moutons, mais aussi les mouettes, les tortues, les iguanes, les lézards ou les crapauds. Au total, sur 85 espèces étudiées, une quarantaine ont vu leur taille diminuer au cours de ces 20 dernières années.

Comment expliquer ce phénomène ? Nous ne connaissons pas encore les mécanismes exacts qui conduisent à la diminution de la taille des plantes, à la base de toute la chaine alimentaire, mais certaines pistes sont avancées. Il a par ailleurs été constaté que l’acidification de l'eau, induite par l'augmentation du dioxyde de carbone dans l'atmosphère, ralentit la croissance d'espèces marines comme les mollusques ou les coraux, et affecte les planctons et les algues, également à la base de la chaine alimentaire. Par ailleurs, l'augmentation de la température tend à multiplier les épisodes de sécheresse, et provoque donc un manque chronique de végétaux. La chaîne alimentaire en est bouleversée. Les ressources pour se nourrir manquant, seules les plantes et les animaux capables de réduire leur taille sont capables de survivre…


Pour résumer, il est normal que les dinosaures, qui ont régné sur la Terre plus longtemps que les mammifères, aient produits une plus grande tendance au gigantisme. Mais également qu’en période de crise environnementale, comme ces dernières années, les tailles repartent à la baisse. Et si, bien souvent, ce sont les plus grands animaux qui sont remarqués et admirés, c’est pourtant la petitesse que la sélection a de tout temps favorisé...