Les deux vies de l’Hermione
L’HERMIONE 1779
L’Hermione est un navire de guerre français en service de 1779 à 1793. C'est une frégate à trois mas de 66 m de long qui peut embarquer 316 hommes et qui est armée de 34 canons. C'est un bâtiment plus léger et plus maniable qu'un vaisseau de ligne, plus rapide que les vaisseaux anglais comparables de l’époque. Rattachée à une escadre, elle doit servir d'éclaireur, de répétiteur de signaux, ou bien doit assister les vaisseaux désemparés dans la bataille. Employée seule, elle est utilisée pour faire des croisières et la guerre au commerce ennemi, ou, en temps de paix, pour effectuer diverses missions scientifiques ou d'exploration. Elle fait partie des frégates de la classe Concorde, construites à partir de 1777 à l'arsenal de Rochefort.
L'Hermione démarre sa carrière sous le commandement du jeune lieutenant de vaisseau Louis-René-Madeleine Levassor de Latouche (dit Latouche, futur vice-amiral et commandant en chef de la marine de Napoléon). L’Hermione réalise alors une brillante campagne au large des côtes françaises et espagnoles, capturant avec audace trois corsaires anglais et trois navires marchands.
La campagne d’Amérique
Mais le navire est surtout connu pour avoir conduit pour sa deuxième traversée le marquis de La Fayette aux États-Unis, lui permettant de rejoindre les insurgés américains en lutte pour leur indépendance.
Le marquis de Lafayette embarque sur l'Hermione à Port-des-Barques en mars 1780, en compagnie de deux officiers, de son secrétaire et de six domestiques. Après un mois de mer, l'approche des côtes américaines est signalée le 22 avril 1780 par une profondeur de 50 brasses mesurée à la sonde à main. La frégate arrive à Boston le 28 avril 1780. La commandant Latouche salue le fort de 13 coups de canon en référence aux 13 états américains. Les américains leur en rendent le même nombre. Lafayette débarque salué d’une nouvelle salve de canon, avant d’aller annoncer l'envoi de renforts français au général Washington3.
Le 4 mai 1780, Latouche reçoit à bord les principaux membres du Conseil de l’État du Massachusetts ainsi que des personnalités comme Samuel Adams et John Hancock (futur premier gouverneur du Massachusetts). Latouche propose au Conseil de mettre la frégate à disposition pour combattre les corsaires ou frégates anglaises susceptibles d'inquiéter le commerce maritime local. L'Hermione appareille de Boston le 14 mai en direction de la baie de Penobscot à la recherche de deux navires ennemis, et approche les positions anglaises à Castine. Au retour, elle fait escale à Portsmouth (alors capitale de l’État du New Hampshire) le 19 mai avant de revenir à Boston 2 jours plus tard.
L'Hermione appareille de nouveau le 29 mai 1780, cette fois vers le sud. Dans les jours qui suivent, elle capture deux navires de commerce anglais.
Le 7 juin 1780, la frégate française combat la frégate britannique Iris au large de Long Island et subit d'importants dommages. Au cours du combat d'une durée d'une heure et demie, l'Hermione tire 400 coups de canon et de pierrier et plus d’un millier de coups de fusil et d'espingole. Dix hommes sont tués,37 sont blessés dont le commandant et son second. Deux des blessés meurent de leurs blessures dans les jours qui suivent. Une polémique dans la presse suit cet engagement, chacun des deux commandants revendiquant la victoire. Hawker, commandant de l'Iris, écrit que l'Hermione a pris la fuite, ce que Latouche dément formellement.
« Si vous avez avancé que j’ai fui devant vous, vous en avez imposé et vous me connaissez mal, je n’aurai jamais eu la honte de fuir devant un ennemi de force égale. Vos coups m’ayant occasionné autant de dommages dans mon gréement que les miens vous en ont causé dans le corps de votre vaisseau, j’ai été dans l’impossibilité de tenir le vent pour recommencer le combat, il dépendait de vous d’arriver sur moi pour le rengager de nouveau, vous aviez infiniment plus de moyens de manœuvrer que j’en avais. Lorsque j’ai vu que vous teniez le vent, j’ai attribué votre retraite à la quantité de monde que vous aviez perdu, ce qui aide à me le persuader, c’est le peu de vivacité de votre feu dans les dernières bordées. »
(Latouche, Lettre au capitaine Hawker commandant la frégate du Roi d'Angleterre l'Iris de 32 canons de 12 et de 9, en date du 22 juin 1780)
Au lendemain du combat contre l'Iris, l'Hermione se réfugie à Newport afin de procéder à des réparations, et de soigner ses blessés. Le chevalier de Fayolle, aide de camp de Lafayette envoyé à bord pour porter un message trouve la mort en s'assommant sous la bouteille bâbord lorsque son canot aborde l'arrière de la frégate. Restant basée à Newport, la frégate effectue des navigations courtes pour tenir à distance des unités anglaises. Le 4 juillet 1780, l'Hermione est pavoisée et Latouche fait tirer 3 salves de 13 coups de canon pour célébrer les 4 ans de la déclaration d'indépendance des 13 États-Unis d'Amérique.
Arrivée de la flotte et du corps expéditionnaire français à Newport
Le 11 juillet 1780, la flotte française et son corps expéditionnaire arrivent devant Newport. L'Hermione assiste à l'arrivée de la frégate l'Amazone, commandée par La Pérouse et transportant le comte de Rochambeau, commandant de l'armée de terre. Suivent 30 navires de transport et le reste de l'escadre dont le vaisseau de ligne le Duc de Bourgogne à bord duquel se trouve le chevalier de Ternay, chef d'escadre.
Craignant une attaque des anglais, les français préparent activement la défense de Newport et de la baie de Narraganset. L'équipage de l'Hermione est chargé de l'armement du Fort Dumpling.
Le 28 octobre 1780, l'Hermione et la Surveillante appareillent avec l'Amazone pour protéger le départ de cette dernière qui conduit en France le vicomte de Rochambeau (fils du comte de Rochambeau, commandant des troupes) pour demander au roi l'envoi de renforts maritimes. Les frégates capturent un navire marchand anglais et rejoignent Boston le 14 novembre 1780. Elles quittent Boston le 11 janvier 1781 avec la flûte l'Isle de France, et rejoignent la base de Newport le 26 janvier.
Le 8 mars 1781, l'Hermione quitte Newport au sein de l'escadre de 7 vaisseaux de ligne commandée par Charles Sochet des Touches, en direction de la baie de Chesapeake. Le but de cette opération est de soutenir Lafayette qui combat les troupes du général Benedict Arnold devant Portsmouth, en Virginie. L'escadre anglaise menée par le vice-amiral Marriot Arbuthnot intercepte les navires français le 16 mars 1781, c'est la bataille du Cap Henry. L'Hermione y tient le travers du Duc de Bourgogne, vaisseau amiral.. Après un engagement indécis, l'escadre anglaise reste maître des lieux, et la flotte française ne pouvant accéder à la baie de Chesapeake se voit contrainte de regagner sa base à Newport.
Après avoir capturé l'Union, un navire marchand anglais, l'Hermione se sépare de l'escadre et rejoint la baie de la Delaware. La frégate remonte le fleuve Delaware jusqu'à la ville de Chester où elle s'approvisionne en farine et biscuit. Elle rejoint ensuite Newport pour y débarquer les vivres. Le 14 avril 1781, le naufrage dans la rade de Newport de la chaloupe de l'Hermione chargée de vivres et de 28 hommes entraîne la noyade de 12 membres de l'équipage.
Après avoir accompagné le 18 avril 1781 la sortie de la frégate la Surveillante escortant un convoi à destination de Saint-Domingue, l'Hermione rejoint une deuxième fois la Delaware qu'elle remonte jusqu'à Philadelphie, où elle fait escale du 30 avril au 18 mai 1781. Le 4 mai 1781, la frégate reçoit à son bord le président Samuel Huntington et les membres du Second Congrès Continental des États-Unis. Le 29 mai, elle regagne ensuite Newport, où le comte de Barras, arrivé de France sur la Concorde, vient de prendre le commandement de l'escadre.
Le 2 juin 1781, l'Hermione quitte Newport à destination de Boston. Elle y retrouve la frégate l’Astrée commandée par Jean-François de La Pérouse, avec laquelle elle appareille le 23 juin pour une croisière en direction des côtes d'Acadie, de Terre-Neuve, et du golfe du Saint-Laurent. En quelques jours, l'Astrée et l'Hermione capturent quatre navires anglais, une corvette et des navires marchands. Le 21 juillet 1781, au large de l'île du Cap-Breton, les deux navires français rencontrent un convoi escorté par six bâtiments anglais, qu'elles attaquent. C'est la bataille navale de Louisbourg, combat d'une durée de 2 heures au cours duquel, 600 coups de canons et de pierriers et 1 700 de fusil ou d'espingoles sont tirés depuis l'Hermione. Deux navires anglais amènent leur pavillon, le Jack de 14 canons est capturé, mais la frégate Charlestown de 34 canons réussit à fuir à la faveur de la nuit. Les dégâts matériels sont importants, particulièrement dans le gréement, et un total de 25 victimes.
Le 9 septembre 1781, l'Hermione quitte Boston en direction de la baie de Chesapeake où elle parvient le 29 septembre, rejoignant les flottes réunies de Barras et de François Joseph Paul de Grasse. Ce dernier a remporté le 5 septembre 1781 la bataille de la baie de Chesapeake, victoire importante sur l'escadre anglaise de Thomas Graves qui permet aux alliés franco-américains d'assiéger les troupes anglaises de Lord Cornwallis enfermées dans Yorktown.
L'Hermione participe à la décisive bataille de Yorktown, notamment en participant au ravitaillement des vaisseaux de ligne qui assurent le blocus de la baie. Le siège de la ville s'achève le 19 octobre 1781 par la reddition des troupes anglaises de Lord Cornwallis face aux insurgés américains menés par Washington, aux volontaires de Lafayette et à leurs alliés français conduits par Rochambeau. Le 27 octobre, l'Hermione placée en mission de surveillance à l'entrée de la baie de Chesapeake signale l'arrivée de l'escadre anglaise de Graves apportant les renforts envoyés par le général Henry Clinton. Arrivée trop tardivement, la flotte anglaise fait finalement demi-tour, et la guerre bascule définitivement en faveur des insurgés.
Le 21 janvier 1782, l'Hermione est de retour au mouillage devant la ville de Yorktown, où Latouche apprend son prochain retour en France, qui intervient en février 1782, après seulement 23 jours de navigation.
La fin de l’Hermione
En septembre 1782, l'Hermione repart sous le commandement de François Bérauld du Perou. Elle accompagne alors une flottille en direction de l'océan Indien pour renforcer l'escadre de Pierre André de Suffren dans le conflit avec les Britanniques pour le contrôle du golfe de Bengale Après la victoire de ce dernier, la frégate rentre en France.
Le dernier acte de ses pérégrinations se déroule après la Révolution Française. Les révolutionnaires se mobilisent en masse pour faire face à la première coalition tandis que la Vendée s’embrase en une guerre fratricide, qui vide les ports de marins et d’officiers confirmés, tous devenus hostiles à la convention.
L’Hermione reprend toutefois du service sous le commandement du récemment promu capitaine de vaisseau (et futur amiral) Pierre Martin. Entre Brest et la frontière espagnole, elle escorte les navires de commerce, chasse les corsaires anglais et apporte son soutien aux troupes républicaines engagées contre les Vendéens. Elle participe notamment à la défense de la ville des Sables-d'Olonne en mars 1793.
Le 20 septembre 1793, commandée par un équipage peu expérimenté, la frégate heurte finalement des rochers au large du Croisic, et sombre sur le plateau du Four. Ainsi disparaissait la valeureuse frégate de Latouche et Lafayette.
L’HERMIONE 2014
L’Hermione aurait pu sortir des mémoires, mais c’était sans compter l’idée folle d’une bande de passionnés, réunis en association, qui lancèrent en 1997 la construction de l’Hermione 2, une réplique du fameux navire de guerre français.
Dès l’origine du projet, il s’agissait non pas uniquement de reconstruire, au cœur de l’ancien arsenal de Colbert (dans l'une des deux formes de radoub situées à l'extrémité de la Corderie royale, au bord de la Charente à Rochefort), un navire du XVIIIe siècle, mais avant tout de faire partager au public cette aventure, afin qu’il puisse découvrir les grandes étapes de cette reconstruction.
Le projet se révéla être un véritable succès populaire : près de 250 000 visiteurs par an, succès qui rappelle celui de la construction du magnifique château fort de Guédelon en Bourgogne (lancé aussi en 1997), Succès qui constitua, avec le soutien des collectivités locales, le moteur principal du financement de l’Hermione.
En en juillet 2012, la réplique flotta pour la première fois sur la Charente. Les mâts, les voiles, le recrutement du futur équipage suivirent. C'est finalement 17 ans après le début de sa construction (l’original avait pour sa part été construit en 6 mois), que l’Hermione 2 fut doté de ses trois mats et de ses 2100 m2 de voilure. Paré à appareiller !
Ce qu’elle fit le 18 avril 2015, mettant le cap sur les États-Unis, pour un magnifique périple inaugural de quatre mois sur les traces du marquis de La Fayette, qui fit grand bruit au pays de l’oncle Sam. Un rendez-vous symbolique fort pour populariser chez les Américains d'aujourd'hui, et notamment chez les plus jeunes, l'attachement historique de la France et des Etats-Unis. Un moment exceptionnel de rencontres franco américaines et d'escales historiques symboliques le long de la côte Est des Etats-Unis, Norfolk, Annapolis, Baltimore, Philadelphie, Boston, Newport, et un passage apprécié sous la statue de la Liberté à New York....
Depuis ce premier voyage, l'Hermione 2 a vécu de nouvelles aventures au long cours... Et en vivra encore de nombreuses autres on l’espère…
(post réalisé à partir de différents articles, dont wikipedia)