Petite histoire des châteaux forts – premiere partie

« Me plaît en mon courage
De voir châteaux forts assiégés,
Remparts rompus et effondrés
Et l’armée au rivage
Tout à l’entour clos de fossés
Avec solides pieux serrés…
Barons, mettez en gage
Châteaux et villes et cités
Plutôt que de rester en paix »

(Bertrand de Born, XIIe siècle, Eloge de la guerre)

Les ouvrages fortifiés sont aussi anciens que la guerre. Des milliers d’années avant notre ère, l’homme cherchait déjà à se protéger de ses voisins ou de la nature hostile, en élevant des digues de terre, des palissades et en creusant des fossés. Les états nouveaux qui émergèrent de la tourmente à la fin du premier millénaire, éprouvés par des décennies d’invasions et d’incertitude économiques et politiques, n’échappèrent pas à la règle. Mieux, pour la première fois depuis longtemps, ils innovèrent. L’antique enceinte fortifiée est remplacée, au tout début du XIe siècle, par le château sur motte hérité des Normands, qui préparait l’avènement, au siècle suivant, du fameux château fort et de sa petite sœur, la maison forte.

De 5 châteaux recensés en Isère en 980, on passe à plus de 120 autour de 1120 et à près de 150 un siècle plus tard : la révolution castrale de l’âge féodal est en marche !

Qu’est-ce qu’un château fort ?

La définition est fort simple, à première vue : il s’agit au moyen âge de la résidence fortifiée d’un seigneur et de son entourage, généralement construite autour d’une tour maîtresse appelée donjon, dont le caractère ostentatoire est au moins aussi affirmé que l’attribut purement défensif. Car ce qu’il est essentiel de comprendre, c’est que le château fort, au-delà de ses capacités résidentielle et défensive, est avant tout le centre de commandement et de justice du territoire (fief ou mandement) relevant de l’autorité du seigneur. Sa double vocation politique et privée le distingue donc des citadelles publiques et enceintes urbaines des époques précédentes, mais également des autres fortifications médiévales sans ressort seigneurial, que l’on appelle les maisons fortes, et qui n’ont d’autre usage que de mettre leur propriétaire à l’abri des mauvais coups.

Les plus riches seigneurs, tels que le dauphin, le comte de Savoie ou le comte de Valentinois, qui possèdent de nombreux châteaux à l’intérieur des frontières de leur domaine, les font tenir par des châtelains, qui gèrent à leur place la vie de la forteresse et du pays qu’elle commande. Ce sont donc les droits féodaux exercés sur le pays qui font le château, en aucun cas la présence physique du seigneur et encore moins l’appareil défensif dont l’ouvrage est pourvu. L’aspect de la fortification, quand à lui, évolue notablement entre le XIe et le XVe siècle, suivant de près la lente accélération des progrès en matière d’architecture et d’armement. Les guerres incessantes entre les dauphins et les comtes de Savoie ou, dans une moindre mesure, entre les comtes de Valentinois et l’Eglise, expliquent en partie la prolifération des châteaux-forteresses élevés au moyen âge par les différents monarques, essentiellement sur les zones frontières constituées par la vallée du Grésivaudan, les Chambaran, la Valloire ou certains accès à la vallée du Rhône.

A partir de la fin du XVIe siècle, le terme de château s’étendra finalement dans le langage populaire aux aimables gentilhommières et autres manoirs, qui remplaceront désormais en grand nombre les sombres châteaux forts de l’époque féodale. Et si les nouveaux châteaux ne conserveront de leur passé seigneurial que quelques modestes tourelles et de hautes façades luxueuses, ils n’en continueront pas moins à jouer leur rôle éminemment symbolique et ostentatoire, en affirmant haut et fort la notabilité de leurs occupants.

La désignation des châteaux au cours des âges

Le château, qui associe aussi bien les fonctions militaires, résidentielles et politiques, est une pure création de la société féodale européenne mise en place autour de l’An Mil. En rupture totale avec la résidence aristocratique des siècles précédents (constituée de la casa, le manoir, et de la curtis, la cour) - simple établissement résidentiel agricole dénué de toute fonction militaire, dont la sécurité est assuré par les oppida, places fortes de la puissance publique - le château est un concept entièrement nouveau, qui nécessitait un vocabulaire également nouveau.

Le terme relevé dans la littérature médiévale pour désigner les châteaux fort est d’abord le mot latin castrum, « fort, place forte », qui vient d’une racine que l’on peut retrouver dans les mots châtrer et encastrer, exprimant l’idée de séparation et d’enfermement. Cette appellation est utilisée de la fin du Xe siècle jusqu’au début du XVe siècle, par exemple pour le Castrum de Ripis en 1107 (château de Rives) ou le Castrum Bordellis (château de Bourdeau) en 1324.

Castellum, au départ simple diminutif de castrum, finit par supplanter le terme originel, et donnera le mot français « château », décliné localement en castel, chastel, chasteau, châtelan ou châtelus. Des diminutifs de castellum, tels que castellanum (le castellanum Perera, château de la Perrière à Saint-Julien-de-Ratz cité en 1328 en est un exemple) ou castellare, ont pour leur part été francisés en châtelet ou châtelard. La forme contractée de ce dernier terme, Chaylar ou Cheylar, est par exemple à l’origine du nom du manoir du Cheylas dans le Grésivaudan. Les termes latin oppidum, lieu fortifié, et capitolium, citadelle, sont pour leur part peu utilisé en Dauphiné pour la période du moyen âge.

Plus fréquente est l’adjonction de l’épithète novus, neuf, qui indique une construction neuve ou une reconstruction. On connaît, par exemple, un Castro novo, Château neuf, sur la commune de Poliénas, en 1083. Le terme celtique ou préceltique rocca, qui désigne aussi bien une éminence rocheuse qu’un château bâti au sommet d’un pareil relief, parfois latinisé en rupes, est également à l’origine de plusieurs noms de châteaux dits de La Roche, tel celui signalé en 1339 à Saint-Pierre d’Allevard en Isère, ou celui de la Roche-des-Arnauds dans les Hautes Alpes ou encore celui de Rochechinard dans la Drôme. Quant à l’ancien français bastide, château fort, dérivé du latin bastita, il a donné naissance à de très nombreux noms de fortifications dites de La Bâtie, tel celui du château de Bastida Montis Gasconis (la Bâtie-Montgascon), élevé au XIIIe siècle près de Bourgoin-Jallieu, ou encore la Bâtie des archevêques construite vers 1225 au-dessus de Vienne.

Un grand nombre de maisons fortes ou d’ouvrages isolés ont aussi porté en Dauphiné le nom de La Tour, du latin turris, telle que la Tour Brune d’Avalon, signalée en 1250 sur l’actuelle commune de Saint-Maximin. On a pas trouvé, en revanche, de nom de châteaux provenant du latin fortis, le fort, mais ses dérivés, tels fortalicium ou fortalice, ont parfois servi à désigner des maisons fortes. Quant au terme celtique ou préceltique motta, hauteur, qui servit également à désigner une éminence naturelle ou artificielle surmontée d’un château, il ne semble pas avoir été utilisé en Dauphiné pour désigner la fortification elle-même, mais seulement pour parler du relief la supportant, comme dans le cas de la motta Bordelis à Bourdeau au XIe siècle.

La fortification romaine

Les premiers grands bâtisseurs ayant laissé des traces de fortifications dans notre pays sont évidemment les romains. Peu soucieux durant les premiers siècles de fortifier leurs cités, sauf celles du limes - la zone frontalière située entre l’empire romain et les territoires barbares (comparable aux marches des époques suivantes) - les romains les enferment finalement toutes derrière des ceintures de remparts flanquées de tours au moment des premières invasions (fin du IIIe siècle). C’est le cas pour la ville de Cularo, qui deviendra un siècle plus tard Gratianopolis, puis Grenoble au début du moyen âge, ou encore des villes de Vienna (Vienne) ou Dea Augusta Vocontiorum (Die).

Les tours de ces enceintes, souvent semi-circulaires et toujours dotées de bases pleines, permettent d’accroître la défense active par la possibilité d’un tir de flanquement, mais également la défense passive, en servant de contreforts aux courtines et en interrompant les chemins de ronde pour bloquer la progression d’un ennemi qui prendrait pied au sommet du rempart. Egalement caractéristiques de la période romaine, les fossés, qui renforcent l’extérieur des enceintes, ne sont jamais situés au pied même des murailles, mais une dizaine de mètres en avant. Quant aux portes de ces enceintes urbaines, elles sont presque toujours encadrées par deux tours, qui permettent de croiser le tir sur un éventuel agresseur.

Les enceintes sont également complétées par un ensemble de fortins et de tours de guet, dont le poste de vigie taillé dans les falaises du Néron, au-dessus de Grenoble, ainsi que le petit fort aménagé au-dessus des gorges de la Morges à Voiron, sont de parfaites illustrations. Les fortifications temporaires, érigées au moment des campagnes militaires, ne sont pour leur part que de simples esplanades quadrangulaires, couvertes de tentes et protégées par un ou plusieurs fossés doublés d’une palissade.

Le camp retranché

A côté des vieilles cités gallo-romaines aux puissantes enceintes, existent également des habitats ruraux fortifiés beaucoup plus modestes durant tout le haut moyen âge (entre le Ve siècle et le Xe siècle). Dénués de toute unité architecturale, ils répondent simplement au besoin éprouvé par les paysans de se mettre à l’abri, temporairement ou non, en aménageant au mieux les sites naturels auxquels ils ont accès : méandres de rivières, confluents, escarpements, qu’ils isolent comme ils le peuvent à l’aide de fossés, de palissades, de murs ou simplement de haies défensives. Ces vastes enclos accueillent maisons, granges, lieux de culte, parcs à bestiaux, champs, et tout le nécessaire pour assurer la survie des populations qui s’y réfugient en temps de troubles.

On rencontre de tels sites en Dauphiné, le mieux conservé étant le camp de Larina, à Hières-sur-Amby, installé à l’extrémité d’un petit plateau coupé de l’extérieur par un rempart en pierre. Citons également les habitats lacustres fortifiés du lac de Paladru, étonnantes constructions aux allures de fortins de westerns à l’architecture située à mi-chemin entre les camps retranchés du haut moyen âge et les enceintes castrales du XIe siècle. Ces refuges collectifs de l’aube du moyen âge, tenus par des hommes forts capables d’organiser la protection du plus grand nombre – les futurs seigneurs des siècles à venir - ne sont pas encore des châteaux mais les préfigurent déjà très largement.

L’enceinte

Commune dès la fin de la préhistoire (pour exemple la levée de terre du Mont Rachais à Saint-Martin-le-Vinoux), mais plus particulièrement répandue entre le IXe siècle et le XIe siècle, c’est une fortification constituée d’un fossé plus ou moins annulaire, bordé vers l’intérieur d’un talus (constitué par la terre rejetée lors de son creusement) couronné par une palissade de fascines et de pieux de bois, protégeant une esplanade centrale occupée par des bâtiments d’habitation et d’autres à usage domestique. L’accès à l’espace clos, légèrement surélevée par rapport à l’extérieur, se fait soit par une passerelle escamotable, enjambant fossé et remblai, soit par un pont jeté sur le fossé prolongé par un passage coupant la levée de terre et fermé par un portail fortifié (parfois flanqué d’une tour en bois). L’entrée constitue du reste l’essentiel du modeste appareil ostentatoire de ce premier type de fortifications médiévales, discrétion qui les démarque nettement des châteaux sur motte à venir. Il arrive toutefois que certaines tours porches évoluent par la suite en véritable donjon, par simple obturation des ouvertures situées au niveau du sol.

Une telle enceinte, colonisée par la forêt, est encore visible aux Platières, sur la commune de Villeneuve-de-Marc (près de Saint-Jean-de-Bournay). Elle consiste en une levée de terre quadrangulaire de 3 m de hauteur, renforcée à l’extérieur par un fossé, et protégeant un terre-plein d’environ 2 000 m2. Une autre enceinte, superbe et atypique, est celle du Châtelard, située à Chirens (non loin de Voiron). Il s’agit d’une très puissante levée de terre annulaire protégée à l’extérieur par un profond fossé et accessible d’un côté par un passage entaillant profondément le rempart de terre.

La motte castrale

A l’horizon de l’An Mil, avec la fin des invasions (Sarrasins au sud, Hongrois à l’est et Normands au nord) et l’amélioration du climat, la région connaît un renouveau économique et un essor démographique sans précédent. Les petits seigneurs locaux (propriétaires terriens ou chevaliers) profitent de la conjonction de ces conditions plus favorables avec la décomposition du second royaume de Bourgogne (888-1032) pour s’approprier leurs terres en toute suzeraineté et se substituer à l’ancienne autorité royale défaillante. Ils érigent – avec les modestes ressources dont ils disposent – leur propre château, afin d’affirmer et de préserver leur autorité naissante. Ces châteaux, en rupture totale avec l’architecture militaire des siècles précédents, sont constitués d’une tour-résidence (domnio, c’est à dire résidence d’un dominus, seigneur) placée au sommet d’un monticule (dunio) de terre fossoyé, généralement flanqué d’une enceinte semi-circulaire formant basse-cour. Ils prennent parfois la place d’un habitat celte ou gallo-romain, mais la plupart du temps il sont bâtis ex nihilo sur un site approprié à la défense et permettant de voir mais surtout d’être vu de loin. La tour prendra progressivement le nom du tertre qui la porte, dunio devenant alors le donjon.

La motte est un tertre en terre tronconique, circulaire ou ovalaire (de 8 à 12 m de hauteur pour 10 à 25 m de diamètre au sommet), entouré d’un fossé (rarement mis en eau) et doublé d’une levée de terre palissadé. Le sommet du relief artificiel, qu’il soit en plateforme ou plus rarement en cratère, est clôturé par une enceinte de charpente défendant une grosse tour de plan quadrangulaire, haute jusqu’à une trentaine de mètres. C’est dans ce donjon qui peut contenir, pour les plus vastes d’entre eux, caves, celliers à vin, resserres à grain, cuisine, salle et chambre seigneuriale, chauffoir (pièce chauffée pour les malades et les nourrissons), chapelle, dortoir des enfants, dortoir des dames, dortoir des domestiques (panetier, échanson…), salle des gardes (d’où ils montaient par une échelle sur la terrasse supérieure afin d’assurer leur charge), que réside la famille du seigneur ainsi que sa suite, protégés par quelques chevalier. Mais il arrive aussi que l’ouvrage ne soit qu’une simple tour de guet, le maître des lieux résidant alors dans une plus vaste demeure située au pied de la motte. Seul un pont de bois (parfois amovible) enjambant le fossé relie le réduit défensif à l’extérieur.

Les autres constructions du château, baraquements d’exploitation rurale, huttes des serviteurs, écuries, forge et chapelle castrale (si elle n’est pas située dans la tour), réparties autour d’une cour réservée à l’exercice militaire, prennent place dans un enclos annexe, appelé basse-cour. Cet enclos situé au pied de la motte, généralement en forme de croissant, est également protégé par une palissade ainsi qu’une ceinture de fossés. Il arrive, dans certains cas, que le château soit doté de plusieurs basses cours, voir même de deux mottes, la seconde étant alors placée en un point jugé vulnérable de l’enceinte (c’est le cas pour La Poype de Saint-Sixte à Merlas) ou même à l’extérieur de l’enceinte pour servir de poste avancé (comme à Chandieu dans le Rhône)

Les bâtiments et la tour sont en torchis ou en colombages, mais il arrive que certains d’entre eux soient dotés de soubassement en pierre. Ces constructions étant constituées pour l’essentiel en matériaux périssables, nos connaissances en la matière sont déduites de fouilles effectuées sur le terrain, mais également de quelques documents d’époque, tels que la fameuse « Broderie de Bayeux » du XIe siècle, relatant la conquête de l’Angleterre par Guillaume le Conquérant et sur laquelle figurent plusieurs châteaux sur motte, ou la non moins fameuse chronique de Lambert d’Ardres, qui relate l’érection, autour de 1120, du donjon en bois du seigneur Arnoul d’Ardres.

 La relative facilité à dresser ce type de fortifications et la multiplication des seigneuries indépendantes au début du second âge féodale sont à l’origine de la multiplication des mottes castrales au tout début du XIe siècle. Mais le fait que la motte ait été choisie par tous au détriment de l’enceinte du siècle précédent est essentiellement lié à sa forme érigée, hautement symbolique, signifiant aux yeux de tous grandeur et domination. On suppose que les premières d’entre elles furent inventées sans heurt, au fil du temps, par la surélévation progressive d’habitats aristocratiques du haut moyen âge, résultant simplement de la condamnation et de l’enterrement successif des couches d’occupation précédente. Mais l’origine est certainement loin d’être univoque.

L’une des plus surprenantes mottes castrales du Dauphiné est celle des premiers seigneurs de Comps dans la Drôme, car ceux-ci choisirent d’établir leur fortification au sommet d’un magnifique oppidum gaulois de plusieurs hectares Cette permanence d’un habitat fortifié sur ce site n’est toutefois pas un cas isolé. Citons, à titre d’exemple, l’impressionnant oppidum en éperon barré du Rocher des Aures à La Roche-Saint-Secret-Béconne (Drôme), qui fut une forteresse depuis la période proto-historique, puis gallo-romaine, et le resta jusqu’à la fin du Moyen Age.

Ces châteaux sur motte d’un nouveau genre se maintiendront au moins jusqu’au XIIIe siècle, alors même que les plus riches seigneurs auront depuis longtemps remplacé leur première forteresse en bois par un château en pierre. Car il ne faut surtout pas se méprendre sur les qualités défensives de ces rustiques constructions en bois et en terre : parfaitement adaptées aux armes également sommaires des assaillants potentiels, elles sont presque aussi difficiles à prendre d’assaut qu’un château en pierre et se révèlent, en temps de paix, d’une durabilité remarquable. La fabrication est relativement simple et les opérations principales (creusement des fossés,  remblaiement de la motte et construction de la tour et des bâtiments) peuvent être exécutées en un à trois mois, en ne réquisitionnant que les paysans du fief, assistés seulement de quelques bûcherons et charpentiers. La consommation en bois est cependant très importante, l’érection d’un château sur motte de dimension moyenne requérant d’abattre une à plusieurs centaines d’arbres adultes.

On relève plus de 100 fortifications en terre en Dauphiné, plus ou moins abîmées par l’érosion ou l’action de l’homme, mais ce chiffre ne traduit vraisemblablement que fort imparfaitement la densité des châteaux en bois au début du moyen âge. Un grand nombre de mottes castrales ont été remplacées par la suite par un château en pierre (comme à Saint-Sébastien, Bressieux, Bourdeau, Montmiral, Chabrillan, Clermont, Uriage, Avalon…) et beaucoup ont dû disparaître, gommées depuis des siècles du paysage et des mémoires. D’autre part, certaines de ces fortifications ne sont pas de véritables mottes castrales, mais les terrassements de maisons fortes plus récentes. Les lieudits actuels Poype, Poëpe, Châtelard, Château-vieux, Châtel, Châtelans, Châtillon, Motte, Boule, ou encore certains pseudo-tumulus, indiquent généralement en Dauphiné la présence d’un  ancien château sur motte. Mais d’autres régions de France ont conservés des appellations différentes : on retrouve, pêle-mêle, Tomme, Tuc, Tucoo, Turon, Tossen, Toppe, Fourme, Dun, Buhl, Buchel, Buhel, Molard, Terreaux, Theurot, Butte, Plessis-Braye, Plessis-Hayes, Meix, Male. Les terrassements sont tout ce qui demeure aujourd’hui de ces anciennes forteresses de l’An Mil : les mieux conservées sont naturellement celles qui ont été protégées par le couvert forestier, comme celle dite du Saut du Chevalier, située sur la commune de Revel-Tourdan, mais d’autres ont traversé les siècles sans cette protection naturelle, comme à Domène, où subsistent les reliefs évocateurs de Château Vert.

La motte castrale, la motta, conservera longtemps encore sa valeur symbolique auprès des populations du moyen âge, et souvent, malgré son remplacement par un château en pierre plus récent, le seigneur continuera à rendre la justice et à percevoir les redevances féodales au pied de la motte primitive.

Le château fort

Dès la fin du XIe siècle, les seigneurs les plus puissants commencent à agrandir leur château sur motte, en remplaçant la tour en bois par un donjon de pierre du pays hourdés à la chaux (aux murs de 1 à 2,5 m d’épaisseur pour une hauteur de 15 à 30 m, qu’une motte totalisant au moins un demi-siècle de tassement sera en mesure de supporter) et en chemisant les flancs de la butte d’un mur de pierre (comme à Albon dans la Drôme ou Nantes-en-Ratier dans l’Isère), où encore en construisant ailleurs un nouveau château, entièrement en pierre celui-là. Ce phénomène s’explique par un faisceau de raisons simultanées : l’accroissement général des richesses, le désir de se mettre à l’abri des incendies inhérents aux constructions en bois, le tarissement des ressources forestières surexploitées et, naturellement, également pour des raisons de prestige, la vanité ayant de tous temps été le plus puissant ressort humain. Les châteaux ne sont désormais plus l’œuvre des paysans et des artisans du mandement, mais celle de véritables architectes, dont le plus célèbre en Dauphiné-Savoie est Jacques, dit « le Maître de Saint-Georges », qui construit pour le compte du comte de Savoie, entre 1260 et 1280, les châteaux de Saint-Georges d’Espéranche, de la Côte-Saint-André, de Voiron et de Saint-Laurent-du-Pont.

Reprenant le modèle simple du château de terre, les premiers châteaux de pierre sont constitués d’un donjon, plus fréquemment barlong que carré, et d’une enceinte, souvent renforcées de contreforts et de redans, épousant la forme du relief, rarement flanquée de tours mais le plus souvent placés sur un point remarquable, si possible élevé. Les bâtiments d’habitation et les communs sont pour leur part éparpillés dans l’enceinte et ne commenceront à être rangés le long des courtines autour d’une cour centrale qu’au cours du XIIIe siècle. Le donjon est l’ultime réduit défensif de la forteresse, généralement placé au centre de la place forte et ne participant pas à la défense de l’enceinte. Le rez-de-chaussée aveugle (servant généralement de silo ou de magasin mais presque jamais d’oubliette, idée fausse qui est une invention de la période romantique du XIXe siècle) n’est accessible par une trappe que depuis le premier étage. Il arrive parfois qu’un sous-sol soit aménagé au-dessous et serve de prison, comme c’est le cas à Saint-Jean-de-Bournay ou à Avalon par exemple : on l’appelle alors le ratier. Au premier étage, une étroite ouverture surmontée d’une voûte en plein cintre et barrée de l’intérieur, accessible par une échelle escamotable ou depuis le chemin de ronde d’une courtine, est le seul accès à la tour. Les étages planchéifiés et ceux maçonnés en voûte (au premier étage et au niveau de la terrasse sommitale), desservis par de simples échelles, sont chichement éclairés par d’étroites meurtrières et difficiles à chauffer. Le sommet de la tour est une terrasse crénelée, souvent couvert d’un toit en éteignoir couvert d’essendoles (planchettes de bois). Les trous de boulin répartis régulièrement sur les faces de l’ouvrage attestent de la construction à l’aide d’échafaudages en bois fixés dans les murs. Le seigneur habite rarement dans le donjon, lui préférant un bâtiment proche plus confortable, la tour maîtresse servant plutôt de poste de guet et d’ultime réduit défensif en cas de siège. Ce donjon est souvent le seul élément du château encore conservé, comme c’est le cas à la Tour Sans Venin dans la commune de Seyssinet-Pariset, ancien donjon du château disparu de Pariset.

Entre la fin du XIIe siècle et le début du XIIIe, la maçonnerie et le confort s’améliorent notablement, en particulier pour la demeure seigneuriale (le domicilium), avec l’apparition d’escaliers en pierre (droits ou à vis), de fenêtres voûtées plus larges surmontées d’un arc brisé, de décors peints sur les murs au revêtement de stuc, de cheminées et de latrines placées en encorbellement au-dessus des fossés ou plus rarement dans l’épaisseur des murs, et dans quelques rares cas de canalisations qui courent dans la maçonnerie pour distribuer l’eau collectée sur le toit des édifices. La pierre de taille (ou la brique à Bressieux et Viriville) commence à remplacer le moellon irrégulier, au moins pour les chaînages d’angles et les superstructures, tandis que les constructions résidentielles s’agrandissent notablement. Courtines et murs s’épaississent, permettant d’installer dans leur épaisseur corridors, escaliers, latrines voire même des chambres, tandis que le donjon quadrangulaire perd sa position centrale à l’intérieur de la forteresse, ainsi que son rôle d’ultime recours, pour commencer à être incorporé au système de défense de l’enceinte, généralement du coté le plus exposé ou près de l’entrée.

Au XIIIe siècle, les premières tours rondes, plus économiques en matériaux mais surtout plus résistantes aux coups de bélier que les tours romanes carrées et également dépourvues d’angles morts, font leur apparition, inspirées de l’exemple royal dit Philippéen (châteaux-cours géométriques aux courtines flanquées de nombreuses tours cylindriques plus élevées que le rempart). Les enceintes en sont progressivement flanquées à intervalle régulier, reportant ainsi de nouveau la défense sur la muraille : ces tours – véritables petits fortins indépendant - permettent pour la première fois un tir flanquant et servent en même temps de contrefort aux courtines, qu’elles « commandent » par leur grande hauteur (près du double de celle des murailles, comme à Montbonnot ou à La Buissière). Les nouveaux donjons, qui font couramment de 10 à 16 m de diamètre, adoptent également le plan circulaire (comme à Bressieux ou à la Roche-des-Arnaud), parfois amélioré par un éperon du côté le plus menacé. Inconvénients de la forme circulaire par rapport au rectangle, les salles sont moins logeables, mais surtout la stabilité de l’ouvrage sur ses bases est moins bien assuré, ce qui explique que les donjons ronds ont généralement moins bien résisté à l’œuvre du temps que leurs prédécesseurs romans, s’écroulant par pans entiers en quelques siècles seulement. Seuls ceux dotés de voûtements en coupoles au lieu de planchers en bois ont conservé une rigidité équivalente aux tours quadrangulaires. Les voûtes en pierre ont également l’avantage sur les planchers leur ininflammabilité.

Les donjons quadrangulaires cantonnés de quatre tourelles d’angles ne se rencontrent pas en Dauphiné, alors qu’il deviennent fréquent dans plusieurs régions de France dès le XIIe siècle. En revanche, les tours placées sur les enceintes les plus extérieures prennent toujours au XIIIe siècle la forme d’un fer-à-cheval (on les dit « ouvertes à la gorges »), afin de les maintenir sous le tir des défenseurs de la courtine suivante en cas de prise par un assaillant. Dans le même temps, les créneaux aménagés entre les merlons du chemin de ronde pour le tir sont complétés par des hourds en bois, galeries accrochées en surplomb assurant un flanquement vertical et permettant la chute de projectiles sur les assaillants tentés par la sape ou l’escalade. Les murs, pour leur part, sont percés d’archères de plus en plus évasées vers l’intérieur pour permettre aux défenseurs de diriger efficacement leur tir. La base des tours et des fortifications est puissamment talutée pour éviter la sape et permettre aux pierres lancées du haut de ricocher redoutablement (on en a un bon exemple à Voiron). Les donjons sont dotés de bases pleines et de voûtes en pierre à chaque étage, afin d’augmenter leur stabilité, et leur porte – jadis située au premier étage – est désormais descendue au niveau du sol, parfois accessible par un pont amovible. Les fossés autour des châteaux, lorsqu’ils existent (c’est assez rare en région montagneuse) sont également agrandis (jusqu’à 20 m de largeur), parfois mis en eau, et des ouvrages de défense avancés (appelés barbacanes) sont élevés aux endroits les plus exposés, en particulier en avant des portes (ce fut le cas à Bressieux). Dans certaines régions de France, mais pas en Dauphiné ou le plan castral reste plus traditionnel, la défense est tellement reportée sur la muraille flanquée de tours qu’on en revient à l’idée de l’enceinte fortifiée du Xe siècle et le donjon, jugé inutile, disparaît complètement. Tout au plus le châtelet d’entrée peut-il encore évoquer ici les anciennes tours maîtresse. De superbes exemples de ce type de fortification sont le château polygonal de Castel del Monte en Italie du sud et celui de Conway au pays de Galles.

A l’intérieur de la courtine (l’enceinte) prennent place le bâtiment résidentiel du seigneur, avec sa vaste pièce de réception (aula) aux murs tendus de tapisseries et au sol jonché d’herbes odorantes ainsi que, selon l’importance du château, des dépendances, cuisines, boulangeries, celliers, magasins, écuries, maisons, casernements ainsi qu’une chapelle (capella), adossés contre la face interne des remparts et organisés autour d’une cour où l’on trouve généralement une citerne ou un puits aux parois pavées de pierre. Alors que la résidence seigneuriale est en pierres liées au mortier, les bâtiments secondaires sont souvent construits en bois (moins cher et plus isolant), pisé ou torchis, sur un solin de pierre. Portée sur une poutre faîtière et sur deux sablières supportant les entraits transversaux ou alors appuyée à la face interne de la courtine, leur couverture est généralement constituée d’essendoles (bardeaux de bois), mais aussi de lauzes (pierres plates), voire de chaume ou de mottes de terre.

Contrairement à l’idée généralement répandue, l’architecture castrale n’a rien d’austère et n’est en aucun cas le parent pauvre de l’architecture religieuse, loin s’en faut. Elle s’emploie, au contraire, à recouvrir au maximum les surfaces en pierres, froides et inconfortables à l’aide de tentures, de boiseries sculptées, de peintures sur enduits présentant des motifs aux couleurs vives (comme dans l’ancien archevêché de Vienne ou à dans le donjon de Montpensard à Goncelin) ou carrément de scènes historiées (comme au château de Theys et dans celui des Loives à Roybon), de plafonds lambrissés, de sols recouverts de tomettes peintes. La présence omniprésente de la pierre nue dans les carcasses abandonnées de nos vieux châteaux, seule épargnée par les outrages du temps, et l’absence volontaire de hautes voûtes d’ogives, si fréquentes dans les églises mais impossibles à chauffer et moins chaleureuses que des plafonds lambrissés et de belles charpentes décorées, ont longtemps alimenté cette image d’austérité des châteaux forts. Et s’il est vrai que les premiers d’entre eux furent à l’image des églises et des chaumières de la même période, c’est à dire sombres et inconfortables, les seigneurs ne tardèrent pas à se doter de tout le luxe dont disposait leur époque, fenêtres trilobées ou géminées dotées de coussièges aménagés dans l’épaisseur du mur (comme à La Tour Noire de Goncelin), cheminées monumentales de 3 ou 4 m de large (comme au château de Theys), meubles plus confortables. Car n’oublions pas qu’avant d’être le symbole de leur autorité, leur épaisse forteresse était avant tout leur résidence personnelle et se devait d’être à la hauteur de l’image qu’ils voulaient donner d’eux même.

Il est vrai, toutefois, que dans la plupart des châteaux de taille moyenne, seul le couple fondateur de la ligné dispose d’une chambre personnelle, voire d’un appartement (camera) dans le meilleur des cas. Les autres, enfants, famille proche, serviteurs, s’entassent dans quelques salles cloisonnées où les courtines en tissus des grands lits communs assurent une très relative intimité. La même promiscuité se retrouve dans le reste du château : les logis, enfermés dans l’ombre élevée des courtines, surplombent les cuisines,  l’écurie et la cour, ou s’ébattent en semi-liberté volailles et animaux domestiques. A la roborative odeur de ferme, qui pénètre par les étroites fenêtres, se mêle celles de la nourriture, des latrines, du feux de cheminée et des odeurs corporelles. Un tableau bien éloigné de l’image idéale des contes de fée de notre enfance mais qui n’est que le reflet – déjà nettement amélioré – de la vie qui est celle des gens de l’époque, qu’ils soient paysans, moines ou citadins. Il est vrai que l’image que nous avons des châteaux fort est nettement déformée par la littérature et surtout par le cinéma d’outre Atlantique. Un des mythes les plus profondément ancré dans l’imaginaire populaire concernant les châteaux est celui des souterrains : il n’est pas un château, fut-il réduit à la dimension d’une seule tour bordée de remparts, qui ne possédât dans l’imagerie populaire son souterrain le reliant à un château voisin ou à la crypte d’un monastère depuis longtemps disparu. A écouter les anciens, le sous-sol de la vieille Europe serait un véritable gruyère et le tunnel sous la Manche un aimable divertissement. Naturellement, il n’en est rien et la plupart des soi-disant souterrains en partie éboulés que certains se rappellent avoir vu dans leur enfance ne sont rien d’autre que des caves, unique moyen pour conserver les denrées périssables dont disposaient nos ancêtres, ou encore des accès à des réserves d’eau potable souterraines.

Le XIVe siècle voit les anciens hourds en bois remplacés par des galeries de mâchicoulis en pierre sur console, ininflammables et plus esthétiques (elles deviendront plus tard de véritables éléments de décoration), comme en conserve le donjon de Saint-Quentin-sur-Isère. Le remplacement progressif de l’aide féodale, apportée au seigneur par ses vassaux en cas de crise, par l’introduction de petites troupes de métier soldées, toujours disponibles au château, nécessite l’agrandissement et l’amélioration des quartiers d’habitation. Le seigneur cherche également à se construire une résidence plus luxueuse, aux salles vastes et nombreuses : conséquence, les logis, bloqués par les murailles, se concentrent et gagnent en hauteur. Les défenses se reportent également en leur sommet, ou l’on trouve de grandes terrasses, à ciel ouvert ou coiffées de toits en éteignoir, crénelées et bordées de mâchicoulis. Vers la fin de ce même siècle, les portes percées dans les murailles sont protégées par des tours jumelles en saillie, qui forment un châtelet d’entrée (encore visible au château de Bressieux) et le pont amovible permettant d’enjamber les fossés est systématiquement remplacé par un pont-levis actionné par une machinerie. Les grandes portes charretières sont pour leur part doublées d’une petite porte destinées au trafic piéton, ce qui permet de renforcer la sécurité en filtrant les entrées.

L’épaississement des murs au XVe siècle, lorsque l’on commence à craindre l’artillerie, permet d’améliorer les chemins de ronde et de percer à l’intérieur même des courtines des passages, qui augmentent considérablement la circulation de la garnison et la sécurité des défenseurs en cas de siège. On abandonne parallèlement le système de tours pouvant se défendre seules, au bénéfice d’un concept plus unitaire de place-forte. Le développement de l’artillerie légère (bâtons à feu, couleuvrines, hacquebutes) impose aux bâtisseurs de remplacer les archères à fente par des archères-canonnières à fente et à trou puis par des canonnières à trou, qui se multiplient rapidement au niveau des tours et des courtines (en particulier près des accès au château) afin de permettre un tir multidirectionnel. Le confort s’améliore encore et l’on voit également apparaître les premières fenêtres en verre scellées au plomb, la fragilité de ce matériau justifiant la division de la baie en compartiments, généralement en forme de losange.

Naturellement, la trame évolutionnelle développée au travers de ces quelques pages n’est qu’un fil conducteur, qu’il s’agit de tempérer en fonction des spécificités locales, les régions montagneuses par exemple  – plus indépendantes et souvent moins riches – se contentant souvent durant tout le moyen âge de châteaux constitués d’une simple tour maîtresse quadrangulaire et d’une ceinture de remparts, dénuée de tout flanquement, épousant étroitement la forme du rocher.

Reste, au-delà de ces particularismes régionaux impossibles à détailler ici, qu’à la fin du XVe siècle, la guerre qui se professionnalise introduit les canons sur les champs de bataille et porte un coup fatal à la plupart des châteaux forts traditionnels. Certains se dotent bien de tours à canons aux murs de plus en plus épais et de boulevards placés en avant des anciennes murailles, destinées à les mettre à l’abri des boulets métalliques, rehaussant également les courtines au niveau du sommet des tours (comme à Suze-la-Rousse dans la Drôme) afin de contrecarrer les progrès de l’échelade (l’attaque simultanée au moyen de nombreuses échelles) et du tir parabolique de l’artillerie, mais dans l’ensemble, la plupart d’entre eux commencent à perdre vers cette époque leur fonction militaire, ne restant plus que des constructions de prestige, rattachées au souvenir des aïeux à l’origine du lignage : leurs propriétaires les abandonnent progressivement au profit de résidences plus confortables, ou bien prennent le parti de les « déshabiller » d’une partie de leurs anciens remparts afin de laisser rentrer la lumière et de les transformer en châteaux d’agrément, aux belles fenêtres à croisées de meneaux et parfois dotés de galeries de loggias (comme à Septème). L’ouverture pratiquée prolonge désormais les bâtiments (au plan en U ou en L) sur de beaux jardins, préfiguration d’une plus grande ouverture encore, qui interviendra au cours des siècles suivants et donnera les vastes résidences rectilignes qui ornent encore nos campagnes.

L’épisode tragique des guerres de religions, particulièrement long et sanglant dans les Alpes, verra un bon nombre des vieilles forteresses féodales reprendre du service, mais ces réparations tardives ne rendront qu’un lustre éphémère aux vieux donjons d’une époque révolue. Car désormais, des citadelles d’un genre nouveau, entièrement dédiées à la guerre, remplacent les châteaux forts au sommet des collines, plus râblées et plus puissamment ramassées sur elles-mêmes que les ouvrages précédents, en partie enterrées dans le sol, mais aussi vidées de tout contenu féodal. Le fort de Salses, construit en Roussillon en 1497, préfigure ce nouveau type de fortification. Celui de Barraux, élevé exactement un siècle plus tard dans le Grésivaudan, illustre pour le Dauphiné ces nouvelles places fortes qui subsisteront jusqu’à l’époque moderne.